
Tout le monde a vu ces images de DAZN du 2 mars dernier : ça n’a échappé à personne, ceux qui font appliquer les règles ou veillent à l’équité dans l’application de ces règles sont tous les jours, un peu plus, la proie de ceux qui sont sanctionnés et de ceux, commentateurs professionnels ou non, qui ont une plume aussi acerbe que leur connaissance des lois est légère …
On le voit à chaque match de football quand certains commentateurs s’emportent et mettent au vote la décision qu’aurait du prendre un arbitre dans une situation litigieuse, sans même connaître les lois du jeu et en s’interrogeant publiquement sur les compétences de celui qui, dans 9 cas sur 10, avec seulement 1 ou 2 secondes pour réagir, a correctement interprété la situation de jeu et appliqué le règlement.
Les sanctions exemplaires contre les dirigeants et coachs voyous de Marseille et Lyon semblent être le sursaut enfin attendu rappelant que l’on ne touche pas à l’arbitre. Tout va donc aller pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
On aimerait bien, mais non.
Loin du monde professionnel, dans les championnats amateurs des ligues et des districts, cette même violence se diffuse à bas bruit. Il ne se passe pas un dimanche sans qu’un arbitre soit insulté, humilié, menacé, voir frappé. Certes, l’arbitre est désormais considéré comme une personne chargé d’une mission de service public, depuis la loi Lamour du 23 octobre 2006 (Art. L. 223-2. – Les arbitres et juges sont considérés comme chargés d’une mission de service public au sens des articles 221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13 et 433-3 du code pénal et les atteintes dont ils peuvent être les victimes dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leur mission sont réprimées par les peines aggravées prévues par ces articles) et sont mieux protégés juridiquement qu’avant.
Mais bizarrement, l’outrage aux personnes chargées d’une mission de service public (art 433-5 du Code pénal) ne les concerne pas… alors que, des pompiers, profs, chauffeurs de bus et autres personnes chargées d’une mission de service public, les arbitres sont sans doute parmi les plus exposés. A chaque match, sur chaque terrain, vous n’aurez pas assez de vos dix doigts pour compter toutes les injures et autres propos diffamatoires tenus par ceux qui inventent les lois du foot (le fameux dernier défenseur …) et qui se déchaînent sur le seul officiel présent (les assistants sont souvent des bénévoles de chaque club). Ne nous étonnons alors pas que chaque année, les districts tirent le signal d’alarme sur la baisse du nombre d’arbitres.
Qu’en pensent les officiels, alors ? Pourquoi ne les entend-on pas ?
Parce qu’ils n’ont pas le droit de s’exprimer, ou alors par le biais des associations censées les représenter, mais dont les conflits d’intérêt sont parfois tels (quand ceux qui les défendent sont ceux qui les dirigent et les sanctionnent…) qu’on ne les entend guère. Ainsi, quand un arbitre amateur a eu le malheur de mal gérer les 5 dernières minutes de son match, au point d’être insulté et menacé, et que, rentré chez lui, il a exprimé tout son mal-être et son ras-le-bol dans un post Facebook repris par le magazine So Foot, c’est l’arbitre qui est sévèrement sanctionné.
Oui, vous avez bien lu.
Le Cabinet a accompagné cet arbitre dans ses démarches pénales et disciplinaires. Les propos menaçants et insultant d’un coach, d’un joueur et d’un supporter sont attestés et pourtant, en commission de discipline, c’est l’arbitre de la rencontre qui était la cible de ses membres, du représentant de la commission des arbitres et de ses agresseurs, enhardis par la passivité du président au point de l’apostropher directement, de lui reprocher sa plainte au pénal et de lui rappeler que « T’es nul » n’est pas une insulte, puisque c’est dans le dictionnaire … Nous voilà rassurés, puisque « On va se retrouver » et « J’vais vriller » figurent certainement dans un traité de l’Argot de Nos Terrains …
Un arbitre peut faire des erreurs. En l’occurrence, des consignes de début de saison n’ont pas été respectées sur les sept dernières minutes et il a eu le malheur d’exprimer son ras-le-bol dans un post pourtant très neutre … Cela justifiait-il que la commission de discipline sanctionne d’une peine minimale ses agresseurs et que la commission des arbitres le sanctionne sévèrement, le poussant à la démission et le déclassant en tant qu’observateur, par une décision qui n’a fait l’objet d’aucun procès verbal, donc incontestable ? Alors qu’il y a un an, il finissait dans les meilleurs de sa catégorie et était promis à un bel avenir dans l’arbitrage … ?
L’arbitraire et l’injustice n’ont pas leur place dans des instances qui doivent instruire à charge et à décharge et juger équitablement sans conflits d’intérêts. Si l’injustice est souvent réparée lors des recours devant le CNOSF puis devant les juridictions administratives, les licenciés ont souvent jeté l’éponge entre-temps ou ont renoncé à tout appel, par crainte de représailles sportives ou administratives … Où est l’équité quand un arbitre est sanctionné pour un post Facebook relayé par la presse alors que l’article à charge d’une présidente de district contre un club avant même la tenue d’une commission de discipline ne fait l’objet d’aucune sanction ?
Le Cabinet rappelle ainsi l’importance du respect des règles par tous et de l’équité pour chacun pour que cesse de se développer un sentiment d’injustice croissant.
Philippe de SEZE
Avocat au barreau de Paris
